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Il y a des montagnes qui ne se contentent pas d’être belles. Les Dolomites en font partie. Elles sont uniques. Chaque virage de sentier, chaque lever de soleil, chaque vallée traversée semblent vouloir battre le record du décor le plus spectaculaire. On s’y sent minuscule, mais étrangement privilégié d’être de passage dans ce théâtre de pierre et de lumière. Leur histoire nous marque et magnifie notre cheminement.

De belles retrouvailles !

Le voyage débute lorsque j’aperçois au loin les sourires de deux connaissances : Dave et Kurt qui me cherchent du regard. La joie commune est le point de départ d’une belle aventure. Le chemin lui s’entame au Lago di Braies, lac d’un reflet presque insolent, où les montagnes viennent se recoiffer dans leur miroir liquide. L’air est vif, les reflets parfaits, et déjà on se demande si ce n’est pas un rêve un peu trop bien cadré. Puis les pas nous portent vers Prato Piazza, vaste plateau herbeux qui donne l’impression d’avoir été posé là par une main géante pour offrir un coin de repos aux randonneurs et un terrain de jeu aux marmottes. Julien, solide et courageux, nous rejoint à la Malga Rossalm pour déguster des ravioles ou une polenta. Avant cela, il aura déposé au refuge Vallandro les affaires de nos cinq aventuriers : Kelsey, Dave, Kurt, Greg et Nick.

Le groupe au lac Sorapiss
Les Tre Cime par Kelsey

Comme dans un rêve…

La suite, c’est l’ivresse des panoramas : un début de journée au-dessus de la mer de nuage puis le chemin jusqu’au refuge Locatelli. De la fenêtre de celui-ci, on contemple les Tre Cime di Lavaredo, trois colosses de roche dressés comme des gardiens intemporels. Ils ne parlent pas, mais leur silence raconte des millénaires d’histoire géologique. Marcher à leur pied, c’est un peu comme défiler dans une galerie d’art où les sculptures mesurent plusieurs centaines de mètres. On ne parle même pas du coucher de soleil qui teint ces montagnes pâles en flammes de pierres. De longues minutes durant, nous rions et contemplons ce spectacle naturel insensé.

Toutes les Dolomites résumées en une photo

Plus loin et après avoir cheminé à travers les mélèzes, le refuge Fonda Savio accueille les jambes fatiguées, pendant que le regard, lui, ne se lasse jamais d’observer les flèches rocheuses qui s’élancent vers le ciel. Puis vient le lac de Misurina, dont la surface miroitante semble vouloir absorber les histoires des voyageurs qui passent. On y lit des reflets, des nuages et parfois même ses propres hésitations.

Et comme si la nature voulait en rajouter une couche, après avoir croisé quelques édelweiss, le lac de Sorapiss se dévoile. Une eau turquoise d’une intensité presque indécente, comme si un peintre distrait avait renversé son pot de couleur dans une cuvette minérale. Même les artistes audacieux n’auraient songé à créer un tel décor.

Enfin, le voyage s’élève vers les majestueux Tofanes et le Lagazuoi, sommets puissants, lieux de mémoire, forteresses de pierre où l’Histoire a laissé ses cicatrices. Là-haut, le soleil brille un peu plus puissamment et le vent souffle un peu plus fort, les pensées aussi. Dès lors, on comprend que ce trek est bien plus qu’une succession de paysages : c’est une conversation avec la montagne, parfois douce, parfois rude, mais toujours sincère.

Revenir de ce séjour, c’est rapporter des images plein la tête, des muscles un peu endoloris, et une certitude : dans les Dolomites, on ne marche pas seulement, on rêve éveillé.

Steven Giordano